Selon Statistique Canada, la douleur chronique affecte environ 19 % de la population canadienne, soit un Canadien sur cinq. Il en existe deux grandes catégories : les douleurs nociceptives et les douleurs neuropathiques. Des scientifiques travaillent à en cartographier les biomarqueurs. Mieux connaître la nature et la racine de la douleur permettra en effet de mieux adapter le traitement. Que recouvrent ces avancées et quelles répercussions peut-on en attendre pour la gestion de la douleur en massothérapie ?
Deux catégories distinctes de douleur chronique
Dès le 17e siècle, René Descartes indiquait que la douleur était un système d’alarme déclenché par un stimulus endommageant les tissus. En médecine moderne, elle est considérée comme chronique lorsqu’elle « persiste ou récidive pendant plus de trois mois [ou encore] persiste pendant plus d’un mois après guérison d’une lésion tissulaire […]. Elle peut être due à des troubles chroniques, à des traumatismes et à de nombreux syndromes douloureux primaires » (source : Le Manuel Merck).
La douleur chronique peut être de nature nociceptive, c’est-à-dire due à une lésion tissulaire — coupure, contusion, fracture, traumatisme, brûlure — ou de nature neuropathique, c’est-à-dire résultant d’une lésion ou d’un dysfonctionnement du système nerveux central ou périphérique — compression d’un nerf, lésion nerveuse due au zona, douleur postopératoire, etc.
La signature biologique de la douleur
Des scientifiques suisses viennent de cartographier les signatures biologiques — les biomarqueurs — de ces deux types de douleur. Leur étude transversale, publiée dans The Journal of Pain, a été menée auprès d’un total de 57 patients (18 avec une douleur chronique nociceptive, 19 avec une douleur chronique neuropathique et 20 exempts de douleur pour le groupe contrôle). Dans le cas de douleur nociceptive, la perturbation épigénétique observée — activation ou désactivation de gènes — affecte la fonction du système analgésique opioïde. Dans le cas de douleur neuropathique, elle affecte la fonction du système de récompense GABAergique – GABA pour acide gamma-aminobutyrique, principal neurotransmetteur inhibiteur du cerveau.
Cette découverte ouvre la voie à la conception de tests diagnostiques épigénétiques – administrables à l’aide d’une prise de sang — et à la mise au point de traitements spécifiques au type de douleur ainsi identifié, susceptibles de s’attaquer à la racine du mal plutôt qu’aux symptômes. Une petite révolution qui apporte de l’objectivité dans un domaine complexe jusqu’alors riche en subjectivité.
De nouvelles pistes pour mieux gérer la douleur en massothérapie
On connaît déjà plusieurs raisons de recourir à la massothérapie dans les cas de douleur chronique : la massothérapie soulage la douleur, elle serait aussi efficace que les médicaments antidouleur, elle contribue à une gestion optimale de la douleur, etc. D’ailleurs, dans son livre blanc, le Pain Task Force of the Academic Consortium for Integrative Medicine and Health a recensé, en 2018, de nombreuses études en appui à ses affirmations.
De plus, le ou la massothérapeute adapte déjà son approche à la douleur chronique. Par exemple, lors de l’administration du questionnaire santé, il ou elle pose de préférence des questions ouvertes permettant à la personne de mieux s’exprimer, et au thérapeute de personnaliser son soin et de cibler les techniques à utiliser. Par ailleurs, l’écoute active permet de recueillir la rétroaction du client ou de la cliente tout au long du soin. Elle aide aussi à adapter la séance en continu. Des études soulignent en effet le souhait des patients atteints de douleur chronique d’être écoutés, respectés et considérés de manière holistique.
Un soin personnalisé selon le type de douleur
Est-il possible d’aller plus loin dans la personnalisation du soin ? À la lumière de l’étude des chercheurs suisses et des voies qu’elle ouvre, on peut imaginer un soin et des techniques spécifiquement adaptés au type de douleur ayant fait l’objet d’un diagnostic médical après un test épigénétique par prise de sang. Par exemple, on sait déjà que la réflexologie plantaire a fait ses preuves dans les cas de douleur postopératoire, que la thérapie manuelle (massage des tissus mous, mobilisation neuronale, mobilisation articulaire) fait partie des stratégies face à la douleur neuropathique, que la polarité donne des résultats intéressants dans les cas de fibromyalgie, que l’approche TragerMD s’avère particulièrement efficace en douleur chronique. Mais la caractérisation pointue de la nature de la douleur permettra de raffiner encore la personnalisation du soin.
Dans les années à venir, la recherche en massothérapie investira certainement cette avenue. Les résultats des études pourront alors alimenter l’enseignement des différentes techniques pour procurer aux massothérapeutes un éventail d’interventions toujours plus riche et diversifié.
Note : La massothérapie se veut une approche complémentaire qui s’inscrit dans la gestion globale de la douleur chronique. Pour être efficaces et sécuritaires, l’adaptation du soin de massothérapie à votre condition et à vos besoins est essentiel. Le massothérapeute que vous consulter doit aussi être compétent et bien formé.
Rédaction : Catherine Houtekier, rédactrice et réviseure professionnelle
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Références
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Tick, H., Nielsen, A., Pelletier, K. R., Bonakdar, R., Simmons, S., Glick, R., … et Zador, V. (2018). Evidence-based nonpharmacologic strategies for comprehensive pain care: the consortium pain task force white paper. Explore, 14(3), 177-211. DOI:https://doi.org/10.1016/j.explore.2018.02.001
Kim, K., Rendon, I. et Starkweather, A. (2021, August). Patient and provider perspectives on patient-centered chronic pain management. Pain Management Nursing, 22(4), 470-477. DOI:https://doi.org/10.1016/j.pmn.2021.02.003.
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